La Dangereuse, Une femme libre – Loubna Abidar et Marion Van Renterghem

J’ai lu La Dangereuse, une femme libre ; le récit de vie de Loubna Abidar écrit avec Marion Van Renterghem aux éditions Le Livre de Poche.

Il est inutile de préciser que ce sont les dernières actualités qui ont fait remonter en moi des sentiments militants pour la cause des femmes. Je parle du déferlement de hashtag et de l’affaire de harcèlement sexuel médiatisé qui les a lancé.
Lorsque, flânant dans une petite librairie du quartier de La Marsa, j’ai aperçu ce roman, je l’ai immédiatement attrapé pour en lire la quatrième. « La Dangereuse », « Une femme libre », cela promettait une histoire poignante, quelque chose qui me toucherait profondément et me révolterait tout autant. La quatrième ne dérogeait pas à cette promesse.


Au Maroc, elle dérange. Trop libre. Trop franche. Trop vraie. Trop femme. Loubna Abidar est devenue un symbole, l’incarnation d’une résistance. Jamais elle ne baisse les yeux, jamais elle ne retient ses mots. Elle en a acquis un surnom : « Abidar la dangereuse ». Le succès international du film Much Loved (2015), où elle joue le rôle d’une prostituée, lui a valu d’être nominée pour le césar de la meilleure actrice. Mais aussi d’être traitée de « pute », menacée de mort et agressée dans son pays. Sa faute ? Avoir osé briser des tabous sur sa nudité, la prostitution, la place des femmes dans une société machiste. Au fil de ce livre écrit avec Marion Van Renterghem, grand reporter au Monde, Loubna Abidar raconte son combat. Son enfance dans la pauvreté. La violence et l’hypocrisie des hommes. Le poids des traditions et du mensonge. Sa découverte du cinéma, qui l’a à la fois sauvée et piégée. De la médina de Marrakech aux marches du Festival de Cannes, c’est un long voyage vers la liberté, un message aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui.


♣ Ma lecture ♣

► Je ne connaissais pas du tout Loubna Abidar, afin de me faire une idée complète, j’ai donc décidé de trouver le film dont il était question sur la quatrième de couverture. « Muched Loved » de Nabil Ayouch est une page ouverte sur la vie des prostituées au Maroc. Ce film est plus que controversé dans le pays qu’il concerne, il a carrément été interdit, dit « un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume« . En vérité ce film dérange parce qu’il fait fi des tabous, il est vrai, honnête, il ne cache rien sans jamais trop en faire, il dévoile le quotidien de ces femmes pleines de courage et d’amour à donner mais que la société entière cache et rejette. Il affiche sans crainte l’hypocrisie complète de tout ce milieu interdit, raillé, nié, caché, haï mais qui pour autant ne connaît pas la crise.
Bref, beaucoup de messages forts, ce film m’a demandé un peu de temps pour le digérer, et finalement ce matin, j’ai ouvert le livre et je ne l’ai refermé qu’après l’avoir terminé.

Honnête, transparent, vrai. A travers la plume écrite à la première personne de Marion Van Renterghem, Loubna Abidar nous dévoile sa vie depuis le tout début. Cette page ouverte sur son histoire nous ouvre les portes de tout un quotidien méconnu ou mal connu, celui d’une fille au Maroc. A travers son vécu on touche aussi celui des autres, de toutes les femmes qu’elle a rencontré, de celles de sa famille, des situations toutes différentes et pourtant si proches, de la culture qui rythme leur vie, de leur peines et de leur joies, des interdits, du mutisme, de la dangerosité de vouloir être libre.

► Poignant, troublant, révoltant, Dans bien des chapitres mes mains se sont crispées sur le papier fin, j’ai poussé des soupirs exaspérés, remontés, mon ventre s’est noué devant toutes les épreuves rencontrées par Loubna dès le plus jeune âge, dès la naissance même, alors qu’elle naissait du « mauvais sexe ». Sans compter toutes les autres femmes qui ont croisé son chemin, « Parler avec ces filles m’a aidé à ouvrir les yeux sur ce que j’ai vécu moi aussi. Je me rends compte à quel point je ne suis pas une exception. Cette hypocrisie généralisée des hommes vis-à-vis des femmes, ce qu’ils font subir tout en exigeant leur virginité, est insupportable« .

 Parlant, fort. « C’est pour elles que je veux participer à ce film. Pour montrer aux hommes qui les méprisent la vérité de ces femmes blessées, souvent très pauvres, obligées de se vendre pour faire vivre leur famille. Pour elles, ces rêveuses et ces guerrières qui donnent l’amour à tout le monde sans jamais rien recevoir. Et au delà d’elles, pour toutes les femmes que les hommes traitent de putes dès que ça les arrange.« 

► Je n’ai pas pu m’arrêter de lire. Je suis entrée dans la vie de Loubna Abidar, à travers la plume de Marion Van Renterghem, c’est comme si Loubna nous racontait sa vie comme elle l’a fait avec elle au Hammam. J’ai compris du mieux que j’ai pu ses peines, ses cicatrices, sa raison d’avancer et de se battre, ses convictions et ses rêves. « Une femme libre », ce désir de liberté pour elle et pour toutes les autres qui lui a tant coûté.

► Que dire de plus ? Si ce n’est saluer cette femme, cette actrice, son talent, sa force, sa liberté. Je me permet de citer les tout derniers mots de ce livre que je trouve très parlants : « Chaque fois que tu entends « Inch’Allah », pense plutôt « Inch’Ana ». En arabe, « Ana », veut dit « Moi ». Dieu et les hommes n’ont pas le temps ni l’envie de changer le monde. Mais toi, mon amie, tu peux. Inch’Ana. »

♣ Pour conclure ♣

Loubna Abidar, un exemple.

Décriée, diffamée, insultée, harcelée, agressée, Loubna Abidar n’a pas cessé d’être libre, de croire en ses rêves, de se battre, et d’arriver à croire en elle. Cette page ouverte sur sa vie témoigne de sa force et de son courage, et plus que la sienne, donne la parole à toutes ces femmes qui n’osent ou n’imaginent même pas la prendre.

Poignante, révoltante, cette biographie donne aussi énormément de courage et de force.

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